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Harcèlement moral du maire : la commune peut-elle être condamnée ?

Publié le 02/04/2019 • Par Sophie Soykurt • dans : Actu juridiqueFranceToute l’actu RH

Même si le harcèlement moral commis par l’ancien maire d’une commune à l’égard de deux agents municipaux constitue une faute personnelle détachable du service, les agents qui en ont été victimes dans l’exercice de leurs fonctions peuvent engager la responsabilité administrative de la commune.

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L’ancien maire d’une commune a été déclaré coupable par le juge pénal de harcèlement moral à l’encontre de deux agents municipaux. Outre cette action pénale, les agents victimes de ce harcèlement ont engagé une action en responsabilité de la commune, au titre de la responsabilité administrative de la collectivité. Mais sur décision du nouveau maire et d’une délibération du conseil municipal, la commune a refusé d’indemniser les deux agents. Les intéressés ont alors saisi la juridiction administrative en demandant la condamnation de la commune à réparer le préjudice subi du fait du harcèlement commis par l’ancien maire.

Condamnée en première instance par le juge administratif à leur verser une indemnité de 10 000 euros, la commune a fait appel de ce jugement.

Fautes détachables du service

 

En l’occurrence, tant le juge pénal que le juge administratif saisi en première instance, ont considéré que les fautes commises par l’ancien maire étaient des fautes personnelles, détachables du service dès lors qu’elles révélaient des préoccupations d’ordre privé et présentaient une gravité inadmissible. Ainsi, selon eux, la commune n’avait pas à se substituer à son ancien maire pour assumer la charge des dommages et intérêts fixés par le juge pénal.

Mais, la Cour administrative d’appel de Bordeaux relève que les fautes, même détachables du service, ne sont pas sans lien avec le service : en effet, même détachables du service en raison de leur gravité et de leur objectif, elles ont néanmoins été commises dans l’exercice même de ses fonctions de maire. Ainsi, même si ses fautes sont des fautes personnelles détachables du service, les agents victimes sont en droit d’engager la responsabilité de la commune dans la mesure où elles ont été victimes de ces faits de harcèlement dans l’exercice de leurs fonctions.

La Cour confirme ainsi l’analyse du tribunal administratif qui s’est prononcé en premier instance et va même plus loin quant à l’appréciation du préjudice subi par les victimes. Alors qu’en première instance, le juge administratif avait condamné la commune à verser à chacun des agents une indemnité de 10 000 euros au titre de l’ensemble des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont ils ont été victimes, la cour porte la condamnation de la commune à 15 000 euros, en raison notamment de la durée et de la gravité des faits de harcèlement subis par les deux agents.

En résumé, la Cour applique la règle suivante : même détachable du service, une faute commise par un ancien maire peut engager la responsabilité de la commune dès lors que les victimes les ont subies dans l’exercice de leurs fonctions. Autrement dit, la cour rappelle qu’une faute, même détachable du service, n’en est pas totalement détachée !

Si la commune est condamnée à réparer la faute de son ancien maire, pour autant, elle devient subrogée dans les droits détenus par les deux agents victimes à l’encontre de l’ancien maire à concurrence des deux indemnités de 15 000 euros, autrement dit la commune devient créancière à l’égard du maire, en lieu et place des agents, à hauteur de ces sommes.

 

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