« LA MULE » OU DE LA DIMENSION TRAGIQUE DE LA CONDITION HUMAINE
Derrière cette fresque sociale américaine aux thèmes, au demeurant, très convenus (la famille, l’amitié, le don de soi et l’axe du mal) se profile une vision pessimiste et une critique acerbe de nos sociétés post-modernes, jugées incapables de maintenir du Lien entre les générations (celles issues de la révolution industrielle et celles contemporaines de la révolution du Net) ; et surtout incapable d’assurer la protection de ses composantes les plus fragiles : les seniors.
Tout comme le pointait déjà du doigt, en 2012, le film français « PAULETTE » de Jérôme ENRICO, « La MULE » de Clint EASTWOOD accuse le système capitaliste d’être criminogène et de rendre flou, par cette déshumanisation qui le caractérise, les frontières entre le mal et le bien.
Sans sensiblerie, ni moralisation ou victimisation outrancière, car l’homme dans la saga Eastwoodienne demeure maître de ses choix et capitaine de son destin, ce film évoque avec pudeur la peur du déclassement social voire la honte pour l’Homme de ne pouvoir assumer jusqu’au bout, son rôle de chef protecteur.
Dans cette perspective, la question de la drogue et de cette criminalité qui lui est consubstantielle ne sont plus perçues que comme un épiphénomène voire une conséquence regrettable, un dommage collatéral d’une société qui ne vit que pour et par la consommation.
Cette critique véhémente, d’une financiarisation de nos sociétés et du concept de société de consommation, atteint une dimension tragique que l’auteur nous propose de dépasser au travers d’une interrogation plus personnelle, plus intimiste sur la condition humaine. Un peu dans la veine de ce que propose, toute proportion gardée, le réalisateur britannique Ken LOACH au travers de sa filmographie.
Nos élites dirigeantes, si éloignées de nos réalités et d’un quotidien, à bien des égards, abêtissant seraient inspirées de regarder cette tragédie, d’en tirer enseignement aux fins de considérer la complexité d’une situation qui pousse, dans le pays des droits de l’homme, des citoyens à faire le choix du pire.