LES LEÇONS DE L’HISTOIRE
Ce 08 mai 2019, à 74 encablures de la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie, partout en France nous commémorons, prosaïquement, la fin de la guerre et des privations qui y sont corollaires.
En effet ! Mais du point de vue de la symbolique, nous célébrons surtout la victoire d’un idéal de liberté sur cette vision restrictive de la communauté humaine dont était alors porteuse la Barbarie nazie. Du point de vue des valeurs, nous saluons, ici et maintenant, les victoires présentes et à venir DES LUMIERES sur cet obscurantisme dont sont porteurs les fascismes, fondamentalismes et toutes les formes d’extrémismes.
Si à une époque telle que la nôtre, marquée par une fascination exacerbée pour l’éphémère, il est d’autant plus bon et apaisant de se souvenir collectivement de la victoire des alliés sur les puissances de l’axe ; il n’en demeure pas moins, qu’à coté de ce nécessaire pathos présent dans la commémoration, la civilisation occidentale ne pourra faire l’économie d’une véritable introspection cathartique si elle veut tirer leçon de son histoire. Et ce, sous peine de retomber dans ses anciens travers et de réactiver ses vieux démons.
Oui ! Il faut le dire haut et fort, à l’origine de ce feu qui a embrasé l’Europe puis gagné les autres continents, on retrouve une cécité diplomatique couplé à une absence de courage des dirigeants politiques de l’époque. De même, les égoïsmes, ethnocentrismes et autres racismes qui gangrenaient une grande partie des sociétés européennes ne sont pas étrangères à cette issue fatale.
En effet, le XIXème siècle, voit émerger une Europe qui ensauvage l’Autre et qui avec sa production de ZOO HUMAINS, propose à ses sociétés de se construire une nouvelle appartenance collective face à ces « sauvages » qui leur servent de repoussoir.
Aucun, ou très peu de ressortissants de nos contrées dites civilisées fustigeront, à l’époque, le sort qui est fait à ces êtres humains, exposés dans des zoos.
C’est dans ce même continuum que, dès 1905 Heinrich Goering, le père du futur dignitaire nazi Hermann Goering, met en œuvre en NAMIBIE la solution finale pour exterminer les populations autochtones Héréros, lesquelles ont l’audace de se dresser contre l’occupant Allemand qui, pour exploiter leur sous-sol riche en diamant et autres minerais, les exproprie, les déporte et les parque dans des réserves. En à peine un couple d’année, 80% de cette population sera décimée. Les 15 000 Héréros restant seront déportés dans des camps de concentration « Konzentrationslager » où ils serviront de main d’œuvre mais également de cobayes humains aux expériences que mènera Eugen FISHER, mentor de Josef MENGELE futur bourreau d’Auschwitz.
L’Europe bien-pensante, tout comme la société française bien née, ne s’est pas émue outre-mesure du génocide des Héréros.
Puis viennent les lois de NUREMBERG de 1935 ; lesquelles ont, officiellement, pour objectif de réprimer les non-aryens. Elles s’appliqueront bien entendu aux juifs mais également, et l’histoire aurait tendance à l’occulter, aux malades mentaux, aux homosexuels, aux Tziganes, et aux noirs. Ces derniers, d’ailleurs, considérés comme « nuisibles » par Hitler parce que pouvant abâtardir la race aryenne, seront stérilisés sur l’ensemble du territoire du IIIème Reich et envoyés dans des camps de concentration.
Les derniers dirigeants de la troisième République Française, tout comme les autres dirigeants européens, savaient qu’Outre-Rhin les libertés fondamentales de groupes d’individus étaient bafouées du simple fait de l’ipséité de leurs composantes. Pour autant, par absence de courage politique, par égoïsme nationaliste voire par racisme, l’Europe refusera de s’impliquer dans le plus beaux des combats : celui pour la liberté.
A rebours de cette apathie européenne et devant les atermoiements des autorités cubaines, américaines, canadiennes refusant de recevoir le bateau Saint Louis, à bord duquel étaient embarqués des milliers de juifs chassés par les nazis, Haïti, en 1939, décide de faire sa part dans le sauvetage des juifs d’Europe. Parce que la liberté n’est pas pour les haïtiens un concept creux ou vide de sens, en 1941, Haïti déclarera la guerre à l’Allemagne nazie.
Quelle leçon !!!
Un paradoxe qui amènera le Poète Martiniquais Aimé Césaire à conclure dans son Discours sur le colonialisme «l’Europe est indéfendable » et à l’accuser en ses termes :
« Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique. Et c’est là le grand reproche que j’adresse au pseudo-humanisme : d’avoir trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir eu, d’en avoir encore une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste ».
74 ans se sont écoulés depuis la fin de la seconde guerre mondiale et depuis, la France tout comme l’Europe doit relever aujourd’hui de nouveaux défis, doit faire face à un nouveaux péril : la montée des fondamentalismes religieux. Va-t-on encore une fois faire preuve d’apathie et tourner la tête pour ne pas voir ? Face aux politiciens de tous bords qui, pour des motifs électoralistes ou par simple clientélisme, ferment les yeux sur les atteintes aux libertés fondamentales que subissent des citoyens et bradent l’espace public, la république laïque Française devra savoir s’insurger et dire non !